Martine FourréDr en psychologie - psychanalysteParis Dakar



Martine FourréDr en psychologie - psychanalysteParis Dakar

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BLOG 2025, écrire la psychanalyse au jour le jour, en suivant ses recherches bien sûr, ou simplement les rencontres, les idées, les aléas de la vie

14 Nov 2025

Architecture de l'intime (5)

Le transitivisme fils-père, vers une reconstruction symbolique

Le transitivisme devient ici un transitivisme fils-père : cet endroit où le fils a quelque chose à dire de lui à ces hommes hors paternité. Ce n’est pas seulement une question de critique, de jugement, pour reprendre la transmission à son compte. Le fils ne sera jamais le père, et le père ne sera jamais le fils. C’est surtout, coté fils une confrontation à la vérité de l’horreur de la jouissance des pouvoirs paternels : celle de ses violences et de ses faux pas, qui sont autant de signes de ses faiblesses et de ses peurs de faillir. Le fils pourtant ne peut endosser la faute du père, mais il doit la voir en face, pardonner, voiler, s’en détacher, réinventer du vivant, aller vers la pulsion de vie. Cette connaissance, aussi douloureuse soit-elle, est la condition même de sa liberté. Car c’est en assumant cette vérité, après les guerres en regardant l’horreur de la jouissance des pères en face, qu’il peut rompre avec la complicité silencieuse qui le lie à la pulsion de mort paternelle. Le pardon, alors, n’est pas un effacement, mais une construction : il s’agit de reconstruire, non pas malgré l’histoire, mais avec elle, en intégrant ses ombres et ses failles, mais surtout de la douce impuissance à garantir l’humanité d’autre chose que d’un geste d’écrasement de l’autre. L’humanité ne se garantit que de l’espace du manque à dire et à savoir.

Ce travail de reconstruction ne peut se faire seul. Il exige les quelques autres aussi des liens ; il exige de se tourner vers ceux que le père a désignés comme "ennemis" — ces frères de malheur, ces autres fils, eux aussi marqués par l’absence ou l’excès de la parole paternelle sur « ce que c’est qu’être un homme ou pas » et en tant qu’homme à transmettre les savoirs en authentifiant le fils dans ce qui le sépare de la toute-puissance : son rapport au manque, c’est-à-dire à sa mère. Ensemble, ils doivent inventer une nouvelle alliance, non plus fondée sur la rivalité des discours ou la soumission par la force, mais sur la reconnaissance partagée de leur vulnérabilité dans un monde qui a tellement changé. C’est dans ce nouvel espace de vérités et de pardon que se dessine le monde de demain : un monde où les ruines ne sont plus des décombres, mais les fondations d’une architecture symbolique nouvelle, un partage des langues et des discours renouvelés, qui réinvente les figures des hommes et de liens de filiations…. Une architecture des discours qui, comme les maisons africaines ou occidentales, porte en elle la mémoire de tous leurs ancêtres, donc l’espoir d’une filiation commune enfin libérée parce que construite sur les ruines de la violence partagée de ses répétitions tragiques. C’est pensable, je veux le penser avec vous possible à construire.


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**BIBLIOGRAPHIE : Architecture de l'intime ( nov 2025)

- AUGÉ Marc, *Non-Lieux* (1992).

- AUGÉ Marc, *Les Formes de l’oubli* (1998).

- BENJAMIN Walter, *Paris, capitale du XIXe siècle* (1939).

- DAOUD Kamel, *Houris* (2025) Prix Goncourt

- DOUGLAS Mary, *De la souillure* (1966).

- ÉDDÉ Dominique, *La mort est en train de changer* (2025).

- FREUD Sigmund, *Malaise dans la civilisation* (1930).

- GAUDIN Olivier & co (dir.), *Écologie humaine* (2024).

- HAN Byung-Chul, *La Société de transparence* (2012).

- HAYDEN Dolores, *The Power of Place* (1995).

- HEIDEGGER Martin, *Bâtir habiter penser*, in *Essais et conférences* (1958).

- KOOLHAAS Rem, *Delirious New York* (1978).

- KRISTEVA Julia, *Pouvoirs de l’horreur* (1980).

- LE CORBUSIER, *Vers une architecture* (1923).

- LÉVI-STRAUSS Claude, *La Pensée sauvage* (1962).

- MARIE Alain, in *Famille et résidence dans les villes africaines* (1987).

- MUNN Nancy, *The Fame of Gawa* (1986).

- NORA Pierre, *Les Lieux de mémoire* (1984-1992).

- ROSSI Aldo, *L’Architecture de la ville* (1966).

- TSCHUMI Bernard, *Architecture and Disjunction* (1994).

- TURNER Victor, *The Ritual Process* (1969).

- UPTON Dell, *Another City* (2008).

- VIRILIO Paul, *Bunker archéologie* (1975).

- WEIZMAN Eyal, *Hollow Land* (2007).


14 Nov 2025

Architecture de l'intime (4)

Quand la destruction des villes détruit l’architecture des filiations**

### **1. La ville, corps symbolique de la filiation**

Chaque ville, foultitude de foyers, incarne une architecture des filiations et affiliations. Par projection, elle déploie dans l’espace les liens imaginaires d’humanisation de chaque langue qui s’y parlent. Y sédimentent les traces des générations passées, que transmettent leurs langues, l’ordre de leurs discours (Foucault 1970) et à travers eux : lois, interdits et légitimités de leurs imaginaires sémantiques. Les développements urbains sont des produits technologiques, industriels, économiques, politiques, forgés à travers chaque parole d’homme - par et avec le discours de la science, qui s’est **développé** en Occident avant sa diffusion mondiale adossée à la médecine comme soin **du** corps et de la vie. La socio-anthropologie urbaine porte dans sa langue-même les marques de l’Œdipe. Cet enfant imaginaire mythique, fondateur de toute culture, se structure en Occident tel que Freud nous l’a donné à lire, aux défilés de l’être amoureux qui par ses questions sur la vérité de l’amour - celui de l’autre et le sien propre - entre dans la culture et ses procès démocratiques de symbolisation. La ville est ainsi un **corps social** composé d’espaces publics (la cité) et d’espaces privés (les demeures individuelles et familiales) où les hommes par leurs déplacements articulent leurs désirs à la Loi, et dans leurs dialogues - toujours de sourds - jouent entre eux sans autre certitude que leurs paroles respectives sur « ce que c’est qu’être un homme ou pas, et comment on le devient ».

Dans *Totem et Tabou*, Freud déplie le mythe de la horde primitive pour mettre en lumière que le meurtre symbolique du père tyrannique, fonde dans la langue - chaque langue le sien - la loi et la culture en interdisant aux hommes la toute puissance infantile et les rivalités fraternelles. La ville, comme extension de cette horde, devient le support matériel de cette loi : ses monuments, ses rues, ses institutions sont autant de **symboles paternels** qui rappellent l’interdit du meurtre et de l’inceste à travers les personnes qui incarnent les pouvoirs imaginaires de les faire tenir debout. Détruire une ville, c’est donc attaquer cette architecture comme symbole de la puissance imaginaire des pères anciens, représentant du Père Symbolique ou des Ancêtres. C’est luttant contre lui entretenir l’illusion rassurante de pouvoir créer un monde parfait en soi. C’est **nier** la dette réelle de soumission ou symbolique d’amour dévolue aux anciens ou aux ancêtres, transmise maladroitement et sans aucune certitude par la parole de papas-pères, mi-Dieu mi-homme (Lacan Séminaire XXI). C’est revenir à un état pré-œdipien, où le désir fusionnel et la jouissance de l’Autre dominent sans limite, écrasent la vie sur leur passage.

### **2. Le meurtre du père, la castration : réelle ou symbolique ?**

La destruction des villes signe l’effondrement des mythes fondateurs de la culture qu’elles incarnent. La destruction systématique de leurs infrastructures symboliques — totems et tabous, lieux de palabres, bibliothèques, musées, lieux de culte — ne relève pas d’une simple stratégie militaire, mais révèle une attaque plus interne qu’externe contre les mécanismes de régulation sociale qui, dans chaque culture, permettent de transformer la violence brute en lien collectif élaboré à travers les discours du bien et du mal, au nom d’une parole donnée. Ces mécanismes diffèrent radicalement selon les mythes fondateurs (imaginaire radical de Cornelius Castoriadis) qui structurent les rapports à l’inconscient dans chaque société.

- Dans les cultures claniques traditionnelles (monde arabe, Afrique subsaharienne, Indes etc.), l’accès au clan des hommes et l’accès à la loi symbolique s’incarnent dans le meurtre imaginaire du fils par le père (mythe d’Abraham et d’Ismaël, fête du mouton). Le père renonce à tuer physiquement son fils, qui ne va pas l’y contraindre, mais ce renoncement même maintient intacte sa puissance : car le fils doit perpétuellement reconnaître sa magnanimité donc son autorité sans s’y humilier, sous peine d’exclusion ou d’élimination (exil, charia, violences mafieuses). La castration y est donc vécue comme réelle, puisqu’elle est soumission (cf. les rituels de circoncision et d’excision). La cohésion du clan repose sur la force matérielle et psychique des chefs, dont les limites sont garanties par les mythes qui portent les processus ritualisés de socialisation, où le père au bout du compte ne tue pas le fils. Quand ces rituels faiblissent — quand les pères ne savent plus imposer la dette réelle due au clan ou quand les fils refusent la soumission jusqu’à provoquer leur propre mort —, la violence resurgit, non plus comme régulation des agressivités et des jalousies, mais comme une pulsion noire, destructrice des filiations et affiliations. Dans le film *Les Graines du figuier sauvage*, un père aimant et courageux bascule dans une folie dévastatrice le jour où ses filles et son épouse mettent en péril les rituels régulateurs, et leur soumission à l’autorité des frères de la révolution. Craignant pour leurs vies, il reporte sur elles les menaces de mort qu’il subit. Devenu fou, n’ayant plus d’autre image de l’homme que celle de l’homme fort sans pardon, qu’il ne peut plus incarner en jouant de son personnage, il hurle face à la mort qui rode sur le village familial en ruine. Il doit tuer l’enfant pour échapper à sa propre mort par les Père-de-la-révolution. Entre père et fils, la lutte est en miroir, sans pardon. Et puisque le père ne transmet plus le pardon, l’authentification du manque qui seul permet l’humanisation, il doit **mourir**, mais pas par les mains de sa fille, pour que du vivant soit sauf. Il périt, comme une métaphore, par sa maladresse, il trébuche et provoque un effondrement, tombant dans un trou où les pierres des ruines l’ensevelissent. Les enfants des filles inventeront, probablement un autre monde…

- Dans les cultures occidentales, le mythe fondateur (Œdipe, Icare, Christ) organise la transmission autour du meurtre symbolique du père par le fils. Le fils s’émancipe du père en le dépassant symboliquement dans une réalisation de discours et de pouvoir, sans marque de privation sur son corps, assumant la dette d’amour, de transmission (loi du langage, ordre du discours), tandis que le père accepte de voir son autorité dépassée par un symbole de vérité qu’il ne détient pas : Dieu, la raison, la loi. La castration est d’emblée symbolique : le sujet s’inscrit dans la filiation en transcendant une autorité paternelle qui est celle d’un savoir, comprenant la question de l’amour. Lorsque ce système se grippe — quand les pères ne transmettent plus les repères, mais des objets vides de vie, quand les fils ne trouvent plus leur place dans l’ordre discursif —, les sujets, privés de symboles, retombent dans une violence sans limite. La destruction des villes devient alors l’expression d’un désespoir métaphysique : on ne tue plus seulement l’ennemi, on efface les traces mêmes de l’humanité partagée.

- Ainsi, que ce soit par l’échec des rituels claniques ou par la dissolution des symboles occidentaux, la destruction des villes révèle toujours une même tragédie : l’incapacité des hommes à se reconnaître comme sujets d’une loi, qu’elle soit plus réelle que symbolique ou plus symbolique que réelle. Quand les courroies de transmission se brisent, quand plus personne ne sait conjuguer « ce que c’est qu’être un homme ou pas » ni « comment on le devient », la pulsion de mort l’emporte. Les ruines ne sont alors plus seulement celles des pierres, mais celles des liens qui nouaient et dénouaient à la fois, et faisaient de chaque personne ou sujet des discours, malgré tout, une communauté.

Ainsi, l’anéantissement des villes peut se lire comme une répétition tragique du meurtre évité du fils ou du parricide symbolique du père œdipien, entrée de l’enfant dans l’ordre des discours de sa langue, mais cette fois-ci sans la résolution symbolique qui fonde sa culture : que le fils ne pousse pas le père à le tuer, que le père ne pousse pas le fils à le tuer. Lacan, dans Le Séminaire, Livre XVII (L’Envers de la psychanalyse*), souligne que l’Œdipe n’est pas seulement un drame familial, mais un mécanisme de régulation sociale**, je précise que ce mouvement à être universel situe « l’entrée de l’enfant dans les discours de sa langue et ses imaginaires sémantiques propres » : il permet de substituer la loi du langage à la violence brute, ce qui est particulier, spécifique à chaque culture à chaque langue. Or, quand une violence non symbolisée vient détruire une ville, elle finit par détruire le langage commun, les repères qui permettaient aux personnes, aux sujets, de se reconnaître comme humains.

Dans les conflits modernes — guerres, terrorisme, bombardements —, la cible n’est pas tant l’ennemi militaire que l’infrastructure symbolique de la parole : bibliothèques, musées, lieux de culte. Ces actes ne visent pas seulement à tuer des corps, mais à effacer la mémoire collective, à rompre la chaîne des générations telle que les hommes la vivent au moment même où ils en prennent conscience. Désaffiliation massive : les personnes ou les sujets sont jetés hors du lien social, dans un non-lieu (Augé 1992), comme ils redeviennent ces enfants qui, renvoyés aux besoins, restent captifs d’une jouissance toute mortifère.

### **3. L’annulation de l’humanité : quand la filiation se dissout**

La filiation n’est pas seulement une question de sang, mais de transmission des discours et des places symboliques. Une ville détruite est une ville où plus personne ne peut s’inscrire dans une lignée : ni comme fils, ni comme père, ni comme citoyen. C’est le règne de ce que Lacan appelle la jouissance de l’Un-tout-seul, où chaque sujet est livré à lui-même, sans intermédiaire, sans médiation, sans tiers, sans discours pour suivre sa pensée, pour élaborer une pensée.

On peut ici convoquer le concept de transitivisme : la destruction des villes révèle l’incapacité des papas à se faire pères, au sens de faire autorité dans la transmission de leur savoir vivre dans la lignée des hommes. Les fils, privés de repères, ne peuvent plus s’identifier à partir d’une fonction paternelle ; ils restent dans une sidération de la pulsion de mort, comme ces enfants décrits dans les ruines, exposés au « vide sidéral » faute de parole qui les soutienne comme vivants.

La ville en ruines devient alors le symbole d’une humanité en défaut : plus de transmission, plus de séparation, plus de manque, de désir qui se noue au langage, plus ni joie, ni humour. Une ville d’adultes violents parce que gonflés d’une puissance dont l’angoisse de leur violence imagine les protéger. Juste des corps errants, des décombres, et le silence. (Eddé 2025)


14 Nov 2025

Architecture de l'intime (3)

Deux perspectives éducatives

### **1. L’espace domestique comme miroir des processus éducatifs**

L’architecture d’une maison reflète et structure les processus éducatifs, en particulier la résolution œdipienne et la construction identitaire.

  - En Afrique, l’espace domestique est conçu pour favoriser l’intégration au groupe, la transmission des lignées et la continuité ancestrale.

 - En Occident, l’espace domestique valorise l’autonomie, l’individuation et la séparation progressive de l’enfant par rapport au groupe familial.

### **2. L’éducation africaine : un processus d’intégration collective**

*A. L’architecture est support de la généalogie et du clan*

- **Organisation spatiale** :

  - Maisons souvent organisées en concessions ou en ensembles familiaux élargis, avec des espaces communs (cours, cases, greniers).

 - Absence de frontières strictes entre les espaces privés et collectifs : la vie quotidienne se déroule sous le regard du groupe.

- **Symbolique de l’espace** :

  - La maison est intégrée à des lieux de mémoire : espaces ouverts dédiés aux rites, et aux activirés collectives telles le penc ou le n’döep, et les rapports d’autorités avec la case du chef de village en brousse ou de quartier en ville.

  - L’enfant grandit dans un environnement où les générations cohabitent, renforçant le sentiment d’appartenance à une lignée.

*B. Le processus éducatif : transmission et dépendance créatrice*

- **Rôle des figures parentales et communautaires** :

  - L’éducation est collective : parents, oncles, tantes, aînés, et même les voisins participent dès le sevrage dans les espaces communs à la socialisation de l’enfant.

  - Le père et la mère incarnent des rôles complémentaires dans la transmission des savoirs et des interdits, mais leur autorité est toujours partagée avec d’autres membres du clan.

- **Résolution œdipienne ne dépend pas des images de l’amour** :

  - L’enfant n’est pas encouragé à se séparer radicalement de ses parents, plutôt à intégrer leur place dans un réseau de relations plus large.

  - La castration symbolique est vécue comme une initiation à la loi du groupe, et non comme une individuation psychique.

- **Identité et représentation de soi** :

  - L’individu se définit par sa place dans le groupe : « Je suis le fils de X, petit-fils de Y, membre du clan Z ».

  - La subjectivité est indissociable de la généalogie et des attentes collectives.

### **3. L’éducation occidentale : un processus d’individuation**

*A. L’architecture comme support de cette autonomie*

- **Organisation spatiale** :

  - Maisons conçues pour délimiter des espaces privés (chambres individuelles, salons, bureaux).

  - L’enfant dispose souvent d’un espace personnel (sa chambre), symbolisant son autonomie progressive.

- **Symbolique de l’espace** :

  - La maison est un lieu de projection individuelle : décorations personnelles, choix esthétiques reflétant les goûts de chacun.

  - Les rites de passage (adolescence, départ du foyer) sont externes marqués par une séparation physique et symbolique du groupe familial opérations médicales, examens scolaire, permi de conduire, profession, mariage).

*B. Le processus éducatif : séparation et construction de soi*

*Rôle des figures parentales, de l’amour* :

  - L’éducation est centrée sur le noyau familial restreint (parents-enfants), avec une autorité parentale centralisée.

  - Le père et la mère incarnent des modèles d’identification, mais l’enfant est encouragé à s’en détacher pour construire sa propre identité.

*Résolution œdipienne* :

  - La castration symbolique est vécue comme une étape nécessaire pour accéder à l’autonomie et à la différenciation.

  - L’enfant doit « tuer symboliquement » ses parents pour exister comme sujet indépendant.

*Identité et représentation de soi* :

  - L’individu se définit par ses réalisations personnelles, son parcours professionnel, ses choix de vie.

  - La subjectivité est centrée sur l’individu, qui se présente comme un « je » autonome, détaché des déterminismes familiaux.

### **5. Implications psychiques et sociales**

- **En Afrique** :

  - La force du groupe protège l’individu, mais peut limiter l’expression de singularités.

  - Le risque : une difficulté à émerger comme sujet autonome, et à voir apparaître l’angoisse et la culpabilité liée à la différenciation.

- **En Occident** :

  - L’autonomie favorise la créativité et l’innovation, mais peut engendrer de l’isolement ou une quête permanente de sens (paranoia)

  - Le risque : une fragmentation des liens sociaux, une difficulté à s’inscrire dans une continuité générationnelle, et à devoir vivre culpabilité et angoisse spécifique à cette individuationsation.

14 Nov 2025

Architecture de l'intime (2)

Nos maisons

L’architecture, c’est d’abord une maison. Nous connaissons tous l’importance de ce cocon : ventre maternel, abri paternel. Construire sa maison, c’est se construire soi-même — corps physique et corps psychique. Chacun se construit dans sa langue d’appartenance, voyage à travers les discours qui l’habillent, ces mots dont nous héritons et qui nous parlent avant même que nous puissions les parler. 

Au cours des années 85, dans le désert tunisien, je m’amusais de découvrir entre les dunes quelques demi-sphères couchées dans le sable, décorée en leur sommet d’une antenne de télévision. Je retrouvais cet étonnement à chaque pas de mon expatriation. Dans la forêt, tropicale de Casamance, s’ouvrait au détour d’un sentier, une clairière délimitée par les cases d’une seule pièce organisée autour d’un arbre à palabres.  Là encore les antennes de télévision, truc incongru sur un habitat traditionnel, coiffaient leurs toits ébouriffés de chaumes. Personne ne pouvait se protéger de leurs bavardages. Il y avait bien la ville à côté, puisque j’en venais. Mais c’était déjà d’autres vies.

Dans les années 90, Dakar avait gardé ses allures coloniales. Seul son hyper centre administratif, était formée d’immeuble de quatre à six étages ou plus, mais l’ensemble de la ville, offrait aux regards de belles maisons coloniales - rez-de-chaussée, plus un - auquel des flamboyants magestueux faisait de l’ombre. Le calme y règnait. Le bruit s’entendait au loin. Celui du marché Sandaga, du port, des échoppes, l’appel du muezzin, les cris et les rires des enfants, les querelles et les blagues des adultes… c’était plutôt un brouhaha que j’apprenais à connaître ; tout m’y semblait indistinct. Et là encore, l’antenne de télévision. Non, les grappes d’antennes pendouillant avec leurs fils embrouillés sur des concessions, alternant avec de petits immeubles pour entourer le centre ville. 

Dans les années 2002, la crise politico-militaire de Côté d’Ivoire expatria sa population d’entrepreneurs et de jeunes professionnels, d’ONG et d’organismes internationaux. Il vinrent s’installer au plus proche à Dakar. La ville, qui était douce à vivre dans la ouate tropicale de nos incompréhensions postcoloniales, devint tentaculaire. On y creuse des autoroutes, des sens giratoires, on y invente les embouteillages. Sur la bande côtière non constructible, les arbres ancêtres et les promenades laissent la place aux hôtels de luxe, centre commercial, supermarché, et autres constructions de profit. Même pas une mosquée !

Ce n’est pas que l’on ai voulu faire disparaître la tranquillité des jours d’antan… c’est juste que, les hommes comme souvent ont construit sur les ruines de leur passé. Ainsi, les penc - terme wolof/lebou- et leurs concessions se sont peu à peu effacés. Non qu’on ait voulu les faire disparaître, quoique les Lébou luttèrent contre le grand déplacement colonial de 1914, c’est qu’insidieusement elles furent recouvertes par un développent tentaculaire de la ville.

Les penc et leurs concessions, sont la transposition urbaine de l’habitat collectif traditionnel tel qu’il existait depuis des siècles dans les brousses sénégalaises. Le penc est un quartier  organisé autour d’une grand place comprenant un arbre a palabre haut et ombrageux - et une mosquée. La grand place est certie d’un dédale de concessions imbriquées les unes dans les autres, au fur et à mesure de l’agrandissement de chaque famille élargie. Chaque concession est établie autour d’une cour et de son arbre  délimitée par des cases plus ou moins identiques, une pour chaque épouse, et une autre plus grande pour le père, au milieu une sorte de grande terrasse surélevée protégée par l’ombre, est garnie de nattes, servant d’espace de jeu ou de dortoir aux enfants.

Entre 1990 et 2020, moi et l’équipe du Prof. Momar Gueye de l’hôpital Fann de Dakar, nous recevions dans nos familles pour des séjours thérapeutiques des enfants venus de France. J’ai toujours été étonnée des différences d’intériorité de nos maisons. Chez moi, le lieu d’accueil était constitué d’une cuisine, salle à manger et d’un grand salon, …etc Chacun avait sa chambre avec salle d’eau et toilette. Momar avait son bureau, et je disposais du mien au premier étage, attenant à mon espace privé. Les pièces d’activité étaient répartis tout autour de ces éléments. Chez Momar, dont la maison était dans un quartier proche, les enfants accueillis avaient aussi leur chambres personnelles, mais celles-ci étaient dans l’appartement des enfants qu’ils partageaient au dernier étage avec des neveux venus du village pour leurs études. Au rez-de-chaussée il y avait cuisine, salon, et les espaces privés de Momar et de Mam Fatou. Les étages intermédiaires avaient des usages variés. Je découvris l’architecture des appartements dakarois chez les autres familles de Vivre Art. Tous s’ouvraient sur un petit salon aménagé pour palabrer et boire le thé. Les enfants avaient l’habitude d’y regarder la télévision. Puis un couloir ou un autre petit salon desservait la cuisine et sa resserre, la salle à manger, un très grand salon d’apparat, la chambre, des parents ou bien, la chambre du père et celle de la mère, la chambre des filles et celle des garçons, enfin celle de la bonne.

12 Nov 2025

Architecture de l'intime (1)

… œdipes, utopies et sociétés

Au-delà de l’effondrement que la destruction des sociétés et des habitats constitue pour tout sujet, j’interroge comment l’architecture du foyer cause les « chemins d’oedipisme » particuliers à chaque culture, sans qu’on puisse décider si leur réalité matérielle les produits, ou bien si elles en sont l’expression. En effet, l'&néantissement d'une ville, d'une région détruit bien plus que des pierres, des bâtiments, des routes. Voir sa maison écroulée, s’y confronter, la reconstruire, se vivent comme autant de constructions du corps propre et de tressage des mots reçus de l’Autre pour le dire et tisser les liens, qui lient et délient les hommes entre eux. Écritures sans fins.

Conférence donnée le 08/11/2025 - Colloque annuel du CPRM de Beyrouth

14 Dec 2024
Photo perso août 2924

Photo perso août 2924

Pour commencer…

Quelques textes ici, au jour le jour ou au fil des conférences et des séminaires.


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